Retour sur… faire tiers-lieux en région BFC à l’arÊTE

Amélie ChapetRetour sur...Leave a Comment

Le lundi 7 novembre se déroulait à Besançon la seconde journée de sensibilisation et de travail portée par le réseau régional de tiers-lieux en BFC, autour d’une pratique sociale : faire tiers-lieu. Organisée pour la première fois à la Coursive Boutaric en juin dernier, l’initiative a été adaptée aux besoins du territoire et en particulier de l’arÊTE qui accueillait cette journée. Comme pour la première édition, l’idée est d’interroger la manière avec laquelle les collectifs, les habitants, les élus et plus généralement l’ensemble des acteurs des territoires s’engagent dans les dynamiques de tiers-lieux. La finalité : participer à la construction d’une culture commune autour des tiers-lieux en région BFC.  

La matinée a débuté par des témoignages de personnes impliquées dans la vie de deux tiers-lieux ; l’arÊTE (25) et la Grappe (39). Elle s’est poursuivie par la restitution d’une exploration des tiers-lieux culturels menée pendant l’été 2021. Nouveauté : dédiée aux porteurs de projets, l’après-midi a permis à chacun de travailler sur ses aspirations et de les aider à franchir un pas supplémentaire. L’ensemble de la journée s’est déroulée dans une ambiance particulièrement conviviale favorisée par un excellent accueil et un succulent repas concocté par Le Café des Pratiques. Merci au collectif de l’arÊTE ! 

Témoignages 

L’arÊTE (L’art d’Être Tous Ensemble) 

Installé dans le quartier des Chaprais à Besançon, l’arÊTE nait en novembre 2017. Pour autant, ses acteurs œuvrent depuis 2010 au sein du Café des Pratiques. Le Café est un lieu où toutes les catégories de population se rencontrent et échangent autour d’un repas, d’une animation, d’un atelier numérique ou encore d’un jeu. Véritable pilier de la vie de son quartier, le Café propose des temps de rencontres pour la création artistique, l’ouverture à la culture. 

En 2016, le Café se lance dans la réduction des déchets et le réemploi des matériaux. Il développe sa matériauthèque. La Base des pratiques, ainsi nommée, propose des matériaux issus de déchets récupérés auprès d’acteurs partenaires du territoire (industriels, commerçants, associations ou particuliers). Tissus, bois, plastique, polystyrène, perles, fils, laine, métal… les ressources sont destinées à nourrir la créativité de particuliers, professionnels ou structures pour leurs projets. Depuis peu, une matériauthèque mobile déplace des aires de créativité dans l’espace public. 

En parallèle, le collectif lance l’Ecole des pratiques, le centre de formation du Café des pratiques. L’Ecole, qui bénéficie de la marque Qualiopi, propose une dizaine de formations. Elle accompagne notamment les animateurs et médiateurs à la création artistique avec des matériaux et des ressources plus écologiques. Elle permet enfin aux porteurs de projets collaboratifs de bénéficier d’un accompagnement poussé et individualisé. 

Au travers du jardin partagé de la Pernotte et de l’arrosoir de Susan, le collectif expérimente également de nouvelles manières d’habiter ensemble avec une communauté d’habitants.  

L’arÊTE prend véritablement son essor en s’associant en consortium et devient Fabrique de Territoire en 2019 puis Manufacture de proximité en 2022.  

En savoir plus sur l’arÊTE : site internet et page Facebook 

La Grappe 

L’idée de créer un lieu hybride à Lons-Le-Saunier permettant l’échange et la convivialité apparaît en octobre 2019, lors de l’évènement « Start-up du territoire » organisé par Clus’Ter Jura. Rapidement, le bouche-à-oreille fonctionne et le collectif La Grappe naît en juin 2021. Autour d’activités composites (coworking, ateliers, etc.), le groupe cible l’ancienne école Briand et se rapproche de la Mairie. Alors que rien n’est véritablement acté, le projet est officialisé dans la presse. La Mairie, prise en porte-à-faux, ne souhaite plus être associée au projet. Dès lors, l’accès à l’ancienne école est bloqué.  

Malgré une belle débauche d’énergie, le collectif peine à trouver un local. La Mairie suggère un autre bâtiment de la ville mais ce dernier est dans un état déplorable et ne peut pas être utilisé en l’état, à moins d’engager de nombreux et coûteux travaux. La proposition est écartée d’un commun accord.  

Pour autant, le collectif ne baisse pas les bras. Mieux, il lâche prise et décide de faire tiers-lieu hors-les-murs et d’organiser des activités dans plusieurs lieux déjà existants de la ville. La mise en place d’un Repair Café – ainsi que d’autres activités – est testée lors des journées du Grappimoine, une visite décalée du patrimoine abandonné de la ville et donc de potentiels lieux à investir. Plusieurs associations sont au rendez-vous et la journée accueille une centaine de personnes.  

Depuis, le collectif a organisé d’autres événements. C’est le cas notamment de la Grappe aux trésors, un rallye ludique, organisé dans le cadre du festival des solutions écologiques, à la découverte de 13 initiatives, lieux ou collectifs à Lons-le-Saunier.  

Pour continuer à mobiliser les bénévoles, elle met en place différents outils (canaux framateam) et se réunit tous les premiers samedis du mois au café associatif Mouillères à l’occasion d’un Repair Café. Bien que le collectif ait réussir à maintenir une dynamique en faisant tiers-lieu sans lieu, il ressent aujourd’hui le besoin de pouvoir se réunir et construire des projets communs dans un espace qui leur serait dédié. 

En savoir plus sur la Grappe : page Facebook

Retours d’exploration des tiers-lieux culturels / Le Pestacle 

Porté de manière indépendante et autodidacte, le projet Le Pestacle est inscrit dans une démarche de reconversion professionnelle. Après 13 ans à œuvrer pour la protection de la Nature, Nicolas a décidé de bifurquer et de suivre la direction du secteur de la Culture en allant à la rencontre des tiers-lieux culturels*. Entre juillet et septembre 2021, il fait la rencontre d’hommes et de femmes qui, dans cette période instable, expérimentent pour continuer de faire du lien au sein de leurs territoires.  

Cette exploration l’aura conduit à la découverte d’une vingtaine de tiers-lieux ou assimilés tiers-lieux. Au total et sur la base d’une grille d’entretien préalablement testée, 35 personnes ont été interviewées dans 17 lieux différents. Ces lieux ne sont représentatifs que de ce que Nicolas avait envie d’aller voir : des lieux à dominante culturelle et majoritairement implantés dans des territoires ruraux. Tous sont par ailleurs en activité et aucun n’a émergé à l’initiative de collectivités. Le travail présenté n’analyse donc qu’une petite partie de l’important gradient sur lequel se positionnent les tiers-lieux en France.  

De la même façon, Nicolas ne se risque pas à essayer d’ajouter une nouvelle définition au terme de tiers-lieu. Tout simplement parce que le concept recouvre beaucoup de réalités parfois très différentes et que certains s’en revendiquent quand d’autres font tiers-lieu. Et puis, à tenter de trouver la définition parfaite, on perd de vue le principal : nos ressentis. Et les siens lui ont fait voir des rêves, des volontés, des coups de pouce, de la solidarité, des inspirations, des fêtes, des pros et des sourires.  

Chaque lieu est spécifique à son territoire et à ses citoyens. Les modèles socio-économiques par ailleurs varient d’un extrême à l’autre. Soit par choix, soit par maturité. Ainsi, l’étude de Nicolas met en évidence quatre types de modèles. Parmi les principaux marqueurs, on retrouve le fait de se définir ou non comme un tiers-lieu et la maturité du collectif ou du projet. Mais les frontières sont loin d’être hermétiques et l’étude met en évidence un continuum de pratiques. Enfin, plutôt que d’analyser la réussite – ou l’échec – d’un tiers-lieu, Nicolas propose six principes qui, appliqués, font qu’on ne peut véritablement pas se tromper. Parmi ces principes, trois semblent incontournables : co-construire avec les habitants, tester et expérimenter et sortir hors-les-murs. 

* Le terme de tiers-lieu culturel est ici entendu dans sa définition la plus large possible. C’est à dire des espaces hybrides de coopération n’appartenant pas au secteur institutionnel et proposant une ou plusieurs activités culturelles, qu’elles soient au centre de l’histoire du lieu ou en périphérie. Qu’elles prédominent dans le paysage ou qu’elles embellissent le panorama de l’ensemble. 

En savoir plus sur le Pestacle : site internet 

Synthèse des échanges de la matinée 

  • La question du lieu. Vous n’avez pas de lieu parce qu’il n’en existe pas ? Parce que vous n’en avez pas les moyens ? Pourquoi avoir besoin d’un lieu dès lors que le projet s’émancipe très bien sans ? Après l’échec de l’école Briand, la Grappe a plus ou moins perdu son rêve de disposer d’un lieu. Sans « offre de services », l’association n’est pas en capacité de louer un espace. Or, disposer d’un lieu permettrait de s’ancrer, d’exister, de favoriser les rencontres et de s’émanciper. 
  • Modèle économique. Comment vous êtes-vous organisées ? La Grappe fonctionne pour le moment uniquement à l’énergie bénévole, la base de tous projets. Il n’existe pas de projet salarié pour le moment bien que cela avait été envisagé pour la coordination de l’espace coworking. 
  • Tiers-lieux et institutions. La notion de tiers-lieux culturels proposée par Nicolas pose question, notamment sur le terme “institutionnel”. Or, c’est surtout une manière (peut-être mal amenée) de distinguer les initiatives citoyennes (qu’elles relèvent d’une impulsion associative ou de collectivités) des établissements artistiques et culturels publics. 
  • L’importance de l’écosystème. Il est rappelé l’importance de co-construire avec les citoyens, de tendre la main à tout le monde, aux élus mais aux partenaires privés aussi. Il est proposé en illustration le collectif de l’Aiguillage dans l’Aube qui a fait tiers-lieu hors-les-murs pendant 10 ans (et donc construit son écosystème) avant d’investir un lieu. 
  • L’intérêt d’être affiché tiers-lieux. Ça sert à quoi d’être tiers-lieu ? Il n’existe pas véritablement de subventions spécifiques dédiés aux tiers-lieux en dehors des labels Fabriques de Territoire et Manufactures de Proximité qui viennent soutenir des projets bien spécifiques. Néanmoins, on voit fleurir de plus en plus d’initiatives qui se revendiquent du concept sans pour autant embrasser ses principes . On trouve aussi des collectifs qui cohabitent dans un lieu et qui, naturellement, deviennent tiers-lieu. C’est le cas de SIMONE, en Haute-Marne. Ce qui est certain c’est qu’il n’existe aujourd’hui pas véritablement de subvention publique de soutien aux tiers-lieux, mais des dispositifs au sein desquels ils peuvent s’insérer selon les projets qu’ils développent. Et ce qu’il faut surtout retenir, c’est que devenir tiers-lieux, c’est rejoindre des réseaux locaux, régionaux, et nationaux qui s’entraident et participent à la logique d’amplification et de reconnaissance du phénomène tiers-lieu (cf. le réseau BFC). 
  • Trouver des informations sur les tiers-lieux. Une cartographie, mise à jour régulièrement, est disponible à la fois sur le site du réseau BFC mais aussi sur le site de France Tiers-Lieux. Chaque tiers-lieu peut de lui-même se référencer sur la carte et compléter les informations le concernant.  
  • La question des statuts.  Le statut juridique (association, SCIC,…) préfigure-t-il le fait de faire ou non tiers-lieu ? Le statut n’est qu’un outil et plusieurs statuts peuvent cohabiter pour mettre en œuvre un projet. Au niveau national, 62% des tiers-lieux sont des associations, 26% des SAS, SARL et SA, 8% des SCIC ou SCOP, 10% sont portés par des EPCI et 3% par des établissements scolaires ou d’enseignement supérieur. L’arÊTE précise que la volonté de réinterroger le statut juridique est importante et fait justement partie de la démarche collective (pour ce qui les concerne, ils ont finalement décidé de poursuivre en association et de ne pas passer en SCIC, quand d’autres prennent ce chemin). 

Atelier dédié aux porteurs de projets 

Au total, 18 personnes ont pu bénéficier d’un coup de pouce pendant une après-midi. Une première pour l’association régionale qui, si elle n’a pas pour objet de se substituer ni aux Fabriques ni aux acteurs de l’accompagnement, entend néanmoins anticiper les projets, orienter les porteurs et rendre facilement accessibles les outils et les ressources.  

L’idée. Organiser une mise en pratique pour permettre aux porteurs de projet de travailler sur leurs aspirations (ce qui les anime), sur ce qui fait la spécificité de leur projet mais aussi sur les enjeux de coopération liés au développement de ce type de projet.  

La finalité. Arriver à faire franchir un pas supplémentaire aux porteurs de projets. Les conforter dans leurs aspirations ou, le cas échéant, tenter de les révéler. Les rassurer sur leur périmètre d’action (ce qu’ils peuvent mettre à contribution dans le projet), sur leurs besoins (ce qu’ils ne peuvent / veulent pas faire seuls) et sur les prochaines étapes.  

Travailler en collectif. Pour trouver des résonnances, des retours d’expériences et, qui sait, des compagnons pour avancer. L’atelier a par ailleurs fait appel à un certain nombre de techniques d’animation soutenant à la fois la dimension collective (diagramme avec les pieds, discussions kanak ou d’ascenseur, carte mentale) mais aussi individuelle (matrice impact-effort)  

Témoignages des participants 

A la fin de la journée, nous nous sommes fait la réflexion que c’était une bonne journée, car nous avons rencontré de nouvelles personnes super intéressantes, nous avons pris connaissance d’expériences enthousiasmantes, nous avons eu des idées, notre cerveau s’est réveillé grâce à ces stimulations positives. Bref, une journée comme celle-là fait du bien et donne envie de continuer à se mettre en mouvement.

Anne-Sophie Berthet – Pays de Montbéliard Agglomération

Merci pour cette journée. Ma compréhension de la notion de Tiers-lieux s’éclaircit progressivement. C’est chouette de faire réseau et de rencontrer des acteurices de pleins de beaux projets.

Clément Lavault – La Bricole Autun

Super journée au Café des pratiques ! L’accueil a été très chaleureuse, avec en prime, un délicieux repas 100% fait maison. Une occasion rare pour prendre du recul sur son projet, le repenser et se remettre en question. Également beaucoup de partage d’expériences entre les porteurs de projets de la région qui enrichissent les réflexions et questionnements communs.

Louise Nicod – Culture Action

Matinée très riche en rencontres, partage d’expériences et d’inspirations. J’ai aimé la diversité des présentations très complémentaires. Je me suis sentie très bien accueillie au sein du café des pratiques. Je vais recontacter certaines personnes pour m’aider à avancer sur mon propre projet. Merci !

Clémentine Mevel

Vivant, sympathique, nourrissant (y compris au repas), convivial.
Un peu limité l’après-midi quant à la communication et l’exploration mutuelle des problématiques (la méthode du relais par un binôme est hasardeuse – pour moi ça a bien été, mais…).
Donc à surveiller quant au « rendement » (temps investi / effets obtenus).

Bruno Dulibine

Journée vraiment bien articulé en deux pôles : témoignage le matin et projet dans l’après-midi… Des projets nouveaux en harmonie avec la nature et les Citoyennes, Citoyens…

GUYOT François Alexandre

Journée très conviviale qui a permis de connaitre le lieu (le café des pratiques). rencontre avec des porteurs de projets très divers très enrichissants.
présentation du tour de France de Nicolas Debaive fort intéressant qui m’a conforté dans la construction d’un projet par une dynamique citoyenne
La diversité des porteurs de projets ne m’a pas permis d’ amener de la plus value dans notre projet de tiers lieu lors des ateliers de l’après-midi.
très bonne animation sur l’ensemble de la journée

Bruno Forest

Documentation

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